Le Conseil Constitutionnel avait été le 6 février 2020 par la Cour de cassation, dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question était relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du dernier alinéa de l’article L. 145-34 du Code de commerce, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises.
Le Conseil Constitutionnel a jugé le dispositif conforme à la Constitution, dans une décision n° 2020-837 QPC du 7 mai 2020, estimant qu’il ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété.
L’article L. 145-34 du code de commerce prévoit que, à moins d’une modification notable des éléments de détermination de la valeur locative qui sont mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 145-33 du même code, le loyer de renouvellement des baux commerciaux dont la durée n’est pas supérieure à neuf ans est plafonné.
Le dernier alinéa de cet article L. 145-34, dans sa rédaction résultant de la loi du 18 juin 2014 mentionnée ci-dessus, prévoit :« En cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 145-33 ou s’il est fait exception aux règles de plafonnement par suite d’une clause du contrat relative à la durée du bail, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente ».
Le Conseil Constitutionnel estime le dispositif conforme à la Constitution
En premier lieu, le Conseil a estimé qu’en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu éviter que le loyer de renouvellement d’un bail commercial connaisse une hausse importante et brutale de nature à compromettre la viabilité des entreprises commerciales et artisanales. Il a ainsi poursuivi un objectif d’intérêt général.
En deuxième lieu, les dispositions contestées permettent au bailleur de bénéficier, chaque année, d’une augmentation de 10 % du loyer de l’année précédente jusqu’à ce qu’il atteigne, le cas échéant, la nouvelle valeur locative.
En dernier lieu, les dispositions contestées n’étant pas d’ordre public, les parties peuvent convenir de ne pas les appliquer, soit au moment de la conclusion du bail initial, soit au moment de son renouvellement. En outre, s’agissant des baux conclus avant la date d’entrée en vigueur de ces dispositions et renouvelés après cette date, l’application de ce dispositif ne résulte pas des dispositions contestées, mais de leurs conditions d’entrée en vigueur déterminées à l’article 21 de la loi du 18 juin 2014.
Selon le Conseil Constitutionnel, il résulte de ce qui précède que le législateur n’a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de propriété. Le dernier alinéa de l’article L. 145-34 du code de commerce, qui ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit donc être déclaré conforme à la Constitution.
Le Conseil Constitutionnel valide ainsi ce que la pratique appelle le « plafonnement du déplafonnement » ou encore la règle de « lissage ».
Ce principe vise à atténuer pour le locataire l’effet d’une hausse du loyer fixé à la valeur locative dans le cadre du renouvellement.
Exemple d’application :
Supposons un loyer en cours de 100.000 euros. Au moment de son renouvellement, le loyer doit être déplafonné et la valeur locative a été fixée à 125.000 euros (soit une hausse de 25%).
Le lissage instaura par la loi Pinel entraînera une variation du loyer sur trois ans, selon le calcul suivant :
• loyer année 1 : 100.000 euros × 1,10 = 110.000 euros ;
• loyer année 2 : 110.000 euros × 1,10 = 121.000 euros ;
• loyer année 3 : 121.000 euros × 1,10 = 133.100 euros ramené à 125.000
Il s’agit d’un dispositif protecteur des intérêts du locataire et qui est donc considéré comme ne portant pas atteinte excessive au droit de propriété du bailleur.
Baptiste Robelin – Avocat – Droit des affaires